Les origines des associations

1.1.1 - Au commencement...

Les associations ne sont pas un phénomène récent. Les hommes et les femmes ont toujours eu besoin de s’associer. Ainsi, on a identifié en Égypte, à l’époque de la construction des pyramides, des structures que l’on peut considérer comme les ancêtres des associations de secours mutuel. Mais c’est pendant l’Antiquité, en Grèce, que naissent les premières associations. La population se rassemble alors au sein d’organisations pour défendre ses intérêts. Il s’agit souvent de regroupements par classes sociales, par professions ou par intérêts politiques ou religieux.

Le principe de l’association était globalement le même chez les Romains. Cependant, on comptait deux principales différences avec les associations grecques. Tout d’abord, les associations étaient appelées "collèges" ou "corporations", contrairement au terme grec qui signifiait association d’amis. La deuxième différence se trouve au niveau de la législation, les Romains en avaient ainsi fait des rassemblements officiels en les inscrivant dans la loi. 

Au Moyen-Âge, le statut des associations évolue. Les associations deviennent des regroupements de corps de métiers ou des confréries, dans lesquels les membres échangent savoir-faire et méthodes. En Europe, ces regroupements deviennent rapidement très importants au sein de la vie médiévale, et en faire partie est considéré comme un privilège. 

C’est à partir du XVIème siècle que la séparation entre les associations dites commerciales, qui deviennent des « sociétés », et les autres, appelées « communautés », a lieu. Cette différenciation sera d’ailleurs effective jusqu’au XVIIIème siècle. Le nom change, mais la volonté de se rassembler reste la même.


1.1.2 - Apparition légale du droit d'association

Au cours de la Révolution française de 1789, l'Assemblée nationale dissout toutes les communautés religieuses, d'habitant⋅es, de métiers, les collèges, les hôpitaux, les confréries charitables, les congrégations, qui étaient alors très nombreuses. C’est le 21 août 1790, l’Assemblée constituante consacre pour la première fois le droit d’association : cette loi reconnaît aux citoyen⋅nes le droit de s’assembler et de former entre elleux des sociétés libres.

Plusieurs lois vont ensuite interdire les associations professionnelles : le décret d’Allarde (2 mars 1791) interdit les corporations et la loi Le Chapelier (14 juin 1791) proscrit tout rassemblement, corporation ou association d’ouvriers et artisans de même état et profession, interdisant ainsi les grèves et la constitution de syndicats et de mutuelles. Cependant, la Constitution du 3 septembre 1791 reconnaît la liberté des citoyen⋅nes à se rassembler comme un droit naturel et civil.

En 1810, l'article 291 du code pénal réglemente la liberté d'association : « Nulle association de plus de vingt personnes […] ne pourra se former sans l'agrément du Gouvernement ». Pendant tout le XIXème siècle, les associations populaires ou d'ouvriers restent interdites et sont très durement réprimées.

Tout de même, la révolution de 1848 consacre une liberté d'association éphémère : l'article 8 de la Constitution du 4 novembre 1848 proclame le droit de s'associer et s'assembler paisiblement et sans armes ; l'article 13 encourage les associations volontaires.

Le 18 mars 1871, les députés Tolain, Locroy, Floquet et Brisson déposent une proposition de loi tendant à l'abrogation de toute législation restrictive de la liberté d'association. Cette première proposition sera suivie de 33 projets, contre-projets et rapports parlementaires avant d'aboutir au vote de la loi de 1901.


1.1.3 - La loi 1901 pour les associations

Le 14 novembre 1899, Pierre Waldeck-Rousseau, alors Président du Conseil et Ministre de l'Intérieur et des Cultes du « gouvernement de Défense républicaine », dépose à la Chambre des députés le projet de loi, qu’on appellera ensuite la loi 1901 pour les associations. Après presque 6 mois de débats parlementaires, la loi est adoptée par le Sénat le 22 juin, votée le 28 juin par la Chambre des députés et promulguée le 1er juillet 1901. Cette loi fonde le droit d’association sur des bases nouvelles, celles des principes issus de la révolution de 1789 : la primauté de l’individu, de ses droits et de sa liberté (voir en détail dans le chapitre suivant sur l’esprit associatif).

En avril 1939 est publié un décret-loi créant un statut particulier pour les associations étrangères et associations composées d'étrangers qui limite les droits d’associations pour les personnes d’origine étrangère. Heureusement, ce décret-loi sera annulé à la fin de la guerre.

En décembre 1948, l’article 20 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies proclame universellement le droit de s’associer librement. Puis en 1950, l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme consacre la liberté de réunion et d’association. Le mouvement associatif a pris un nouvel essor après la libération dans les secteurs de la jeunesse, de la protection de l’enfance, des sports, de la culture et de l’éducation populaire.

Mais, en 1971, l'administration s'oppose, sans aucune base légale, à la déclaration de l'association Les amis de La Cause du peuple, soutenue notamment par Simone de Beauvoir, en refusant de délivrer le récépissé de déclaration. Le ministre de l'Intérieur Raymond Marcellin soupçonnant cette association de reconstituer la Gauche prolétarienne (une organisation maoïste dissoute en 1970 et dont La Cause du peuple était le journal) convainc le gouvernement de faire voter une loi pour instituer un contrôle administratif de la déclaration des associations (validation législative). Ce contrôle serait ainsi exercé par l'autorité judiciaire, avant la déclaration, qui statuerait dans un délai de deux mois et permettrait donc à l'administration de restreindre la liberté d'association voulue par la loi de 1901. La loi est adoptée en quatrième lecture à l'Assemblée Nationale, après l'adoption par le Sénat, lors de sa séance du 28 juin 1971. Heureusement, par décision du 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel censure l'essentiel du projet de loi Marcellin et fait de la liberté d'association un principe à valeur constitutionnelle.

Le 27 janvier 1975, une circulaire du Premier Ministre reconnaît que « l’État et les Collectivités publiques n'ont pas le monopole du bien public ». Les associations ne sont alors plus considérées comme un relai de la puissance publique mais comme des partenaires dont sont reconnues l'indépendance et l'autonomie. Le septième Plan entend pour sa part privilégier les groupes, les relations de voisinage et la vie associative :

La participation des habitants à la vie publique est indispensable à la fois pour leur donner une prise plus directe sur leur cadre de vie, favoriser l'innovation et enrichir la vie sociale locale. Dans ce but, la commission recommande l'adoption d'un programme d'action prioritaire destiné à développer la vie associative, considérée comme un moyen privilégié d'engagement civique.


Cette rétrospective historique de l'évolution et, parfois, du retour en arrière du droit d'association, montre à quel point cette question est un enjeu pour notre démocratie. Les associations occupent une place particulière et leur autonomie, souvent perçue négativement par les gouvernements qui y voient des opportunités pour les citoyen⋅nes de contester leur pouvoir, est très souvent requestionnée. Très récemment, le Contrat d'Engagement Républicain illustre cette histoire mouvementée et caractérise une vie associative vivante, évolutive et souvent très attentionnée lorsqu'il s'agit de préserver sa liberté. Voyons maintenant dans quel esprit et dans quel cadre légal se fonde cette loi du 1er juillet 1901.


Pour aller plus loin :